Le procès dans la fiction

La fiction permet d’engager une réflexion juridique contemporaine. Et n’oubliez pas, Nul n’est censé se prévaloir de sa propre turpitude. À méditer. C’est déjà beaucoup.

Littérature :

–       Poetic justice, de Martha Nussbaum,1996 (roman anglais)

–       Corpus delicti, un procès, de Julie Zeh,2010 (roman allemand)

–       Le maître du jeu, 1996, La loi du plus fort, de John Grisham, 1998 (romans judiciaires américains)

–       Les sorcières de Salem, d’Arthur Miller, 1953 (metteur en scène : J.Bougault)

–       L’étranger, Albert Camus, 1942 (roman français)

–       Le procès, Franz Kafka, 1925 (lecture en dix épisodes, émission « Fictions », France Culture)

–       Faust, Goethe, 1832 (pièce de théâtre allemande)

–       La loi qui tue, Camille Delaville, 1875(édition originale numérisée, site Gallica)

–       Crime et châtiment, Fiodor Dostoievski, 1866 (roman russe)

–       Les Misérables, Victor Hugo, 1862 (édition originale numérisée, Gallica)

–       La comédie humaine, Honoré de Balzac, 1842 (Le médecin de campagne, Splendeur et misère des courtisanes)

–       La folle journée ou le mariage de Figaro, Beaumarchais,1778 (metteur en scène : G. Rouvière)

–       Henry IV, William Shakespeare, 1596-1598(director : Adrian Woodward, Globe Theater)

–       Antigone, Sophocleenviron 440 avant J.C. (metteur en scène : J. Liermier)

Films : 

–       La défense Lincoln, Brad Furman, 2011 (adaptation américaine du roman de Michael Conelly) 

–       Toutes nos envies, Philippe Lioret, 2011 (téléfilm français)

–       Bamako, Abderrahmane Sissoko, 2006 (film franco-américano-malien)

–       Erin Brochovichseule contre tous, Steven Soderbergh, 2000 (film américain, d’après l’affaire Erin Brochovich)

–       Le mystère von Bülow, Barbet Schroeder, 1990 (film américain, d’après l’affaire von Bülow)

–       Le procès, Orson Welles, 1962 ( film germano-franco-italien, d’après le roman de Franz Kafka)

–       Douze hommes en colère, Sidney Lumet, 1957 (film américain)

–       Rashomon, Akira Kurusawa, 1950 (film japonais)

 Séries : 

–       Main courante, France 2, 2012 (série télévisée française)

–       The good wife, Michelle et Robert King, à partir de 2009 (série télévisée américaine)

–       Engrenages, Alexandra Clert, saison 1 à 5, à partir de 2005 (série télévisée française)

–       Boston Justice (Boston Legal), à partir de 2004 (série télévisée américaine)

–       Ally mcBeal, à partir de 1997 (série télévisée américaine)

Un procès en forme de comédie burlesque : Hakuma, Augustin Tabo, 2013

« Tout pouvoir sans contrôle rend fou ». Cette épigraphe tirée des Propos de politique du philosophe Alain en 1934 ouvre la pièce de théâtre épique d’Augustin Tabo intitulée Hakuma (« l’État » en arabe). Avec des personnages uniquement masculins, elle offre le spectacle d’un procès musclé, intenté par le gouvernement de Kaskanaï contre les dirigeants des syndicats, accusés d’avoir fomenté une manifestation publique pacifiste.

Cette pièce de théâtre montre un huis clos exalté. Dans le palais de justice, des hommes de droit et de pouvoir sont au travail, rompus aux jeux de cache-cache avec les mots. Le politique, c’est la guerre plus ou moins sans les armes. Le président « démoncrate » et ses sbires souffrent d’un mal : le déni de réalité. Et ils croient agir au nom d’une démocratie en marche, qui nécessite quelques sacrifices, quelques petits arrangements avec l’ignorance, la misère et la mort. La dialectique entre les deux camps est explosive, révolte contre manipulation. 

La mise en scène de ce texte nécessite bien sûr de montrer la charge caricaturale d’une farce historique qui fait penser à La résistible ascension d’Arturo Ui, pièce écrite par Brecht en 1941, dénonçant les responsables du maintien au pouvoir du  chancelier Hitler.

Hakuma, 
pièce écrite en 2013. Les noms des personnages évoquent un contexte africain : le truculent Commissaire Kaskiss tente, comme il peut, de réprimer des manifestations. Sans parvenir à contenir les différentes instances représentatives qui le minent toutes au nom de l’Etat de droit : Robert Masra, président du Collectif des Associations de la Société Civile et des Droits de l’Homme, Yir Nguero, secrétaire général de l’Union des Travailleurs, Akoi Brahim, secrétaire des Ouvriers des Champs Pétroliers, Kasser Kissar, président du Regroupement des Paysans et Eleveurs et enfin Michael Mouaromba, président des étudiants Kaskanaïens. Toute ressemblance avec des personnages réels serait-elle fortuite ? L’auteur fut lui-même président de l’Union Nationale des Étudiants Tchadiens à Ndjamena. 

A la veille des élections présidentielles au Tchad, prévues le 10 avril 2016, ce texte prend un écho particulier. Dans la comédie, Maître Boukar interprète les manifestations comme une conspiration visant au putsch, requérant la peine de mort, au nom de valeurs très vagues, et de la stabilité de l’Etat de droit. La plaidoierie de maître Djasra se réfère aux articles de loi accordant le droit de recours à la grève et aux manifestations pacifiques : « votre Honneur, à quoi cela nous sert-il de nous agripper à cette tradition hostile à toute évolution, teintée de nostalgie aberrante, et assise sur des coutumes égoïstes, tribales, fétichistes, rétrogrades et affairistes ? »

Interview de l’auteur (2013)

Augustin Tabo était enseignant-chercheur à l’Université Paris-Descartes et consultant « Culture de la paix et résolution non-violente des conflits » au BIP de Genève (ONU), en représentation dans de nombreux pays (Suisse, Hollande, Etats-Unis, Corée du sud, Egypte…). Il est décédé en mai 2021.

VK : – Lors de votre passage censuré dans une émission littéraire sur une chaîne télévisée tchadienne, vous affirmez que vous écrivez par nécessité, par passion, pour transmettre et partager. A présent, à la veille des élections présidentielles au Tchad, certains médias dénoncent un grand nombre d’actes répressifs contre la société civile. Il apparaît également que le gouvernement français ne souhaiterait pas une destabilisation du pouvoir en place, si l’on en croit la divulgation récente de documents officiels classés secret défense, en circulation sur les réseaux sociaux. Mais les faux profils et les faux documents pullulent en période préélectorale. La farce est bien réelle, la réalité dépasserait-elle votre fiction ?

Augustin Tabo : – J’ai écrit cette pièce pour transmettre, de façon satirique, l’idée suivante : vivre sans exister, ce n’est pas vivre. Aucune personne ne doit ni se taire, ni se cacher, ni se sous-estimer. Sinon, les autres vont l’étouffer. La société civile est un contre-pouvoir nécessaire en démocratie. Sans le soutien d’un peuple, pas de Président de la République. Les citoyens doivent se faire entendre, et non pas lyncher, torturer ou bâillonner, quand ils émettent des revendications. Le droit de grève et de manifestation est inscrit dans la Constitution. Mais quand le pouvoir est répressif, sa chute est violente. Regardez ce qui est arrivé à Bokassa, Kampaoré ou Mobutu.

VK : – Dans le cadre de votre métier de chercheur, vous modélisez à l’aide de formules mathématiques l’incertitude des comportements humains, dans le domaine de l’économie de la santé. Pourriez-vous, à tout hasard, prévoir l’issue de la campagne présidentielle de 2016 au Tchad, menée de façon partiale par un Président  qui refuse le dialogue ?

Le hasard n’existe pas, c’est le nom que l’on donne aux lois que l’on ignore, à l’impossibilité de prévoir avec certitude. Ce qui est certain, c’est que le Président Déby ne se maintiendra au pouvoir qu’entouré et soutenu. Dans la pièce Hakuma, j’ai présenté des personnages fantasques, délirants et corrompus. Leurs belles paroles ne suffisent pas pour construire un État de droit. Les actions doivent être désintéressées, et le pouvoir partagé.

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